La généalogie divine de l'empereur du Japon

Auteur: Sandrine | Publié: 21 Décembre 2023, 16:00
La généalogie divine de l'empereur du Japon

Le shintoïsme et la voie des kamis

Mes chers camarades, bien le bonjour ! Et si les dieux vivaient parmi nous ? Dans 'American Gods', c’est Odin et Loki qui font tranquillement du business aux États-Unis. Dans 'Watchmen', on a le gigantesque Dr. Manhattan qui va régler la Guerre du Vietnam d’un seul coup. Eh bah dans l’histoire du Japon, qui est décidément un pays vraiment pas comme les autres, la guerre entre les dieux et les humains… elle a vraiment eu lieu !

En fait, lors de la Seconde Guerre mondiale, les GI’s américains ont affronté un dieu vivant, à savoir le souverain du Japon, Hirohito, empereur céleste, descendant de la déesse du soleil, rien que ça ! Alors, les choses ont un peu changé depuis, et pourtant le Japon reste actuellement le seul pays au monde à avoir un empereur.

D’ailleurs, l'empereur Naruhito cumule ce titre avec un rôle religieux très particulier dans la religion shinto. En fait, la généalogie moitié historique moitié mythologique permet de tirer un fil qui relie directement notre époque… à la création du monde !

Mais avant de vous en dire plus, je souhaite la bienvenue au sponsor de cette émission : les éditions RBA, qui lancent une nouvelle collection sur les mythes et légendes du Japon ! Découvrez de captivants récits des dieux, héros, samouraïs et créatures fantastiques japonaises : chacune de leurs aventures est tirée de sources anciennes, remises au goût du jour pour être accessibles à tous.

En plus des récits épiques, poétiques et fantastiques, chaque ouvrage contient aussi un essai historique rigoureux et bien sourcé, pour comprendre le Japon moderne. Bref, si vous êtes attirés par le Japon, fans des films de Miyazaki ou tout simplement que vous aimez les histoires inspirées de la mythologie, cette collection est pour vous ! Et tout ça dans un format vraiment unique, très joli, avec de belles couvertures et plein d’illustrations assez dingues, inspirées de la peinture traditionnelle à l’encre de Chine ! La collection est en vente chez votre marchand de journaux à partir du 27 décembre, et un nouveau volume sortira chaque semaine. Mais si vous êtes mordus, le top c’est carrément de prendre un abonnement sur le site mythesjapon.fr ! Ou de le demander pour Noël, comme ça vous recevrez vos cadeaux tout au long de l’année ! Le premier colis comprend 3 livres et un premier cadeau pour seulement 14,98€, et l’abonnement est sans engagement, vous pourrez le stopper quand vous voulez.

La voie des kamis et du shintoïsme

Pour comprendre la fameuse généalogie divine de l’empereur du Japon, il faut déjà commencer par rappeler les bases du shintoïsme. En japonais, shinto signifie 'la voie des kamis'. À partir de là, on peut résumer le shintoïsme comme un système religieux propre au Japon, consistant à croire dans l’existence des kamis et à leur rendre culte.

Les kamis sont souvent traduits en français par : 'les dieux'. Le shintoïsme serait alors comparable aux religions polythéistes de l’Antiquité européenne, comme celles des panthéons grec ou romain. Mais en réalité, dire que les kamis sont des 'dieux', c'est un peu abusif. Ce sont plutôt des sortes d’esprits de la nature exceptionnels. On peut donc rapprocher le shinto des cultes animistes, c'est à dire qui vénèrent les esprits. Des esprits qui sont d’ailleurs une multitude, puisqu’il est courant de dire dans le shintoïsme qu’il existe 8 millions de kamis !

En vérité, polythéisme ou animisme, ça n’a pas grande importance, parce qu'au final, pour un occidental, le shinto, c’est franchement pas facile à comprendre, ni à définir ! Pour bien comprendre donc, il faut mettre complètement de côté la vision occidentale de ce qu’est ou n’est pas une religion. On a notamment l’habitude de placer une frontière à la religion, de distinguer deux domaines bien délimités, le profane d’un côté, et le sacré de l’autre. Sauf que ça ne marche pas du tout comme ça avec le shintoïsme, qui a des limites extrêmement floues.

Contrairement aux monothéismes, le shintoïsme n’a pas de dogme précis, avec une bonne façon de croire et de pratiquer. On se retrouve face à une multitude de mythes, parfois contradictoires, où chaque prêtre shinto peut donner des explications très différentes de ses collègues sur un même phénomène. Sans fondateurs ni doctrine fixe, le shintoïsme n’a presque pas non plus de 'fidèles fixes'. En effet, si on demande à un Japonais quelle est sa religion, il ne se déclarera quasiment jamais shintoïste, mais plutôt bouddhiste, ou athée… Alors qu’en réalité, il adhère au quotidien à plusieurs des croyances et pratiques shinto !

En effet, le shintoïsme ne rejette pas les apports d’autres traditions religieuses, mais au contraire, il a tendance à les intégrer : c’est ce qu'on appelle un syncrétisme, c'est-à-dire un mélange de religions. Heureusement, plusieurs livres permettent quand même d’y voir un petit peu plus clair, parce qu'ils fixent une sorte de canon commun de la foi shinto.

Les sources : Kojiki et Nihon Shoki

Les bases du shintoïsme remontent à la Préhistoire de l’archipel, et ses mythes ont évolué à travers les siècles avant d'être couchés sur papier au 8e siècle. Tout d’abord, les 3 livres du 'Kojiki', qu’on appelle le 'Mémorial des faits anciens', ont été présentés à la cour impériale par le chroniqueur Oho no Yasumaro. Rédigés en japonais archaïque, on y retrouve un récit de la création du monde, des premiers kamis, de l'installation de ceux-ci sur Terre, ainsi qu'une description des premières générations impériales légendaires. L'ouvrage se termine sur la mort de l'impératrice Suiko, une souveraine qui a bel et bien existé historiquement, et qui est morte en 628, soit seulement 84 ans avant la parution du Kojiki. On mélange donc le mythique et l’historique, les monstres légendaires et les personnes bien réelles.

Et c’est aussi le cas dans le corpus suivant, le 'Nihon Shoki', ce qui veut dire 'Les annales du Japon'. Il est rédigé en chinois classique, ce qui n’est pas étonnant pour l’époque : la culture et la langue chinoise rayonnaient énormément sur les élites japonaises, et d’ailleurs le Japon a peut être même été un état vassal de l’Empire du milieu. C’est en l’an 720 qu’un groupe de lettrés présente le Nihon Shoki à la cour de l’impératrice Genshō. Ils n’arrivent pas avec un simple bouquin sous le bras, mais plutôt des coffres remplis à craquer, vu que le Nihon Shoki compte pas moins de 30 livres, organisés de façon chronologique selon le calendrier chinois. Ce 'livre' comprend des annales qui se veulent historiques, et qui mettent très en avant les relations avec la Chine. On y retrouve également deux 'livres des dieux' extrêmement riches, qui parviennent à compiler à la fois la version officielle des mythes, et leurs nombreuses variantes plus anciennes. Enfin, le Nihon Shoki retrace l'origine des clans jusqu’à des fondateurs légendaires. Dans l’ensemble, il est donc question de légitimer le pouvoir impérial, en le plaçant au-dessus de la mêlée, comme une sorte de 'clan des clans'.

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La généalogie de l'empereur du Japon

L’empereur a un rôle très particulier dans le système religieux shintoïste, mais également dans la politique du Japon. Son statut a toutefois beaucoup bougé dans le temps. En effet, la lignée impériale a une sacrée longévité : à en croire nos fameuses sources, le tout premier empereur serait un certain Jinmu, monté sur le trône dès 660 avant notre ère. Le petit souci, c’est que ce Jinmu est un personnage de légende qui n’a vraisemblablement jamais existé. Le tout premier empereur dont on a vraiment des traces historiques fait débat, encore aujourd’hui, entre les spécialistes. Il pourrait s’agir de Ojin, qui a régné aux alentours des 3e et 4e siècles de notre ère, donc bien plus tard ! Mais ça fait quand même une longévité de plus de 1 700 ans pour la dynastie impériale japonaise. Honnêtement les familles nobles européennes n’ont qu’à bien se tenir !

Sur autant de temps, le rôle de l’empereur est très fluctuant : parfois souverain omnipotent, parfois simple symbole sans pouvoir, il a dû pendant longtemps composer avec le système du shogunat. Dans celui-ci, le shogun, qui est un grand seigneur féodal et un général en chef, exerce un grand pouvoir, bien réel, qui rivalise avec celui de l’Empereur. Mais tout ça change avec l’ère Meiji, qui débute en 1868.

Cette période est marquée par une modernisation tout azimut du Japon, par une centralisation accrue, et par la construction d’un véritable État nation moderne inspiré par le modèle européen. C’est à ce moment-là que le pouvoir impérial s’affirme très fortement d’un point de vue à la fois politique et religieux. Un véritable culte impérial est mis en place, tandis que le shintoïsme devient officiellement religion d'État. L'empereur, grand prêtre du Shinto, devient alors un dieu vivant qu’il convient de vénérer.

Ce protocole religieux complet porte d’ailleurs un nom assez révélateur : on parle de 'shinto de la maison impériale', qui est une des branches de la pratique religieuse, à côté du shinto des temples, du shinto populaire, et du shinto sectaire. Par exemple, chaque 1er janvier à 5h30 du matin, l’empereur entame la nouvelle année par un culte : il doit saluer les kamis dans les 4 directions cardinales. Et tout au long du reste de l’année, il va continuer à suivre une succession de pas moins de 60 rites, répartis entre 3 différents temples impériaux. Bref, il est tout le temps à bouger d’un sanctuaire à l’autre, 5 fois par mois !

Cette coutume va perdurer bien après l’ère Meiji, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, où elle a eu un effet concret assez spectaculaire. Les kamikazes se sacrifient alors pour leur divin empereur au cri de 'tennō heika banzai', “longue vie à sa Majesté l’empereur”. Sauf qu’après ce conflit mondial, l’archipel nippon capitule, et se soumet à l’occupation américaine. En 1946, les États-Unis imposent une constitution qui est encore en vigueur aujourd’hui. L’empereur du Japon perd définitivement son statut divin, le texte évacuant même complètement toute mention d’un statut religieux supérieur de l’empereur. Dans l’article premier, on affirme même que “l'empereur est le symbole de l'État et de l'unité du peuple ; il doit ses fonctions à la volonté du peuple, en qui réside le pouvoir souverain.”

On va pas se le cacher, c’est la grosse déchéance : l’empereur n’hérite plus de son pouvoir de droit divin, ni d’une généalogie glorieuse dans laquelle grouille les conquérants, les kamis, et les entités divines. Finalement, il n’est plus sur le trône que grâce à la bonne volonté du peuple… Alors ok, ça c’est ce que dit le droit. Mais la figure de l’empereur garde encore des fonctions symboliques importantes dans la bonne tenue des rites shintoïstes. Et cette croyance continue de le rattacher à une ascendance divine.

En effet, tous les empereurs du Japon seraient des descendants d’une kami. Et pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit d’Amaterasu, la kami du Soleil, véritable icône.



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